Louis Calaferte disait que la littérature devait enrichir ou bien bouleverser. Et le plaisir dans tout ça ? Le premier roman de Roselyne Madelénat est de cet ordre-là. Bien écrit (on dirait presque « ouf » tant certains auteurs et éditeurs semblent négliger ce principe), il distille un je ne sais quoi faisant oublier que l’on tourne les pages. Roselyne Madelénat a un ton, le sens des situations, et le talent de rendre drôle le tragique de l’existence. Ce n’est pas rien. On le perçoit dès le premier chapitre, réjouissant mais pas pour Florence la narratrice, qui a quinze ans et vient de fuguer. Au second, dans une autre atmosphère, nous touchons au cœur du sujet. Florence, approche de la cinquantaine, elle est à l’hôpital, au chevet de sa mère avec laquelle les rapports ont été pour le moins difficiles. Ils paraîtront pourtant idylliques quand nous en saurons plus sur ceux qu’elle entretient avec le père. J’en imagine déjà qui rechignent : « les parents non merci. On a beaucoup donné » Il est vrai qu’entre Chalandon (superbe), Angot (j’ai pas lu) et Boltanski (j’ai hâte) l’auto fiction familiale mène la rentrée. Mais le talent de cette nouvelle venue en littérature est d’habiller d’une impeccable légèreté un sujet douloureux. Comme une petite robe noire, parfaite aux cocktails aussi bien qu’aux enterrements. Son livre est un antidote aux chagrins d’amours et aux secrets destructeurs. La construction elle-même participe du résultat. On passe d’une chambre avec maman en fin de vie, à une autre avec amant très épris. D’un dîner chez une comédienne « à demi- connue », à la maison de retraite du père. De la haute voltige ou plutôt un talent d’équilibriste. La protagoniste évolue sur un fil, elle doit régler les non-dits de son enfance pour continuer à avancer. Elle le sait, mais la vérité est-elle supportable ?« Il ne faudrait jamais avoir peur de poser des questions » dit l’un des personnages.
Je n’ai jamais eu de petite robe noire de Roselyne Madelénat (Hugo roman) fait partie de l’opération 68 Premières fois de Charlotte Milandri. Notre atelier d’écriture en ligne ecriturefactory est fier d’y participer.