C’était le jour de la procession des Rogations : tous les paysans s’étaient retrouvés pour faire bénir leurs récoltes et leurs troupeaux.
C’est par hasard que, ce jour-là, je l’aperçus, en tête de la procession, toute vêtue de blanc, le visage légèrement penché, qu’on devinait si pur sous une délicate voilette blanche.
Mon émotion était extrême : cette jeune fille, je la reconnaissais, depuis toujours elle habitait mes rêves. Oui, c’était elle, ma svelte Sylvie, mon émouvante Yvonne de Galais : je retrouvais leur étonnante blancheur, leur sourire mystérieux et peut-être surtout leur tête légèrement penchée.
Elle se trouvait maintenant à quelques pas de moi, et, ô surprise, elle m’adressa la parole: » Voudriez-vous bien, Monsieur, tenir quelques instants mon ombrelle ? Car aujourd’hui deux jeunes fiancés, au coeur rempli d’amour,me demandent ma bénédiction et je dois répondre à leur attente.
Je connus alors des moments de pur émerveillement : je saisis aussi délicatement que possible son ombrelle, j’eprouvai la curieuse impression d’étre moi-même nimbé d’une auréole blanche…
Hélas ! la cérémonie prit fin soudainement, et tous les personnages disparurent mystérieusement.
Je restai là, hébété, je voulais à tout prix m’accrocher à ma douce vision, ma Sylphide à la blanche ombrelle…
C’est alors que j’entendis des coups répétés à ma porte, tandis qu’une voix impérieuse s’écriait : « vas-tu enfin te lever, » sacré bougre de marchand de nuages ?
Oû était passée ma Sylvie, mon Yvonne à l’angélique visage ?
Le réel avait vaincu l’idéal.
Je ne m’en suis jamais remis.