Il est toujours possible de ne pas tomber sous le charme d’un livre. « En attendant Bojangles » est de ceux qu’on aime très vite (ou pas du tout), dès le chapitre un. « Mon père m’avait dit qu’avant ma naissance, son métier c’était de chasser les mouches avec un harpon. Il m’avait montré le harpon et une mouche écrasée.
– J’ai arrêté car c’était très difficile et très mal payé, m’avait-il affirmé en rangeant son ancien matériel de travail dans un coffret laqué. Maintenant j’ouvre des garages, il faut beaucoup travailler mais c’est très bien payé. »
Le premier narrateur est donc le fils adoré d’un couple extravagant. Des parents comme on les rêve, pratiquant au quotidien une loufoquerie chère à Boris Vian. Des gens sérieusement piqués, qui ne prennent pas les mots à la légère. Dans ce quatuor familial, car il faut ajouter Melle Superfétatoire, élégant oiseau ramené de Namibie et qui les suit partout, la mère donne le ton. Pour la voir danser, ils écoutent Mister Bojangles interprété par Nina Simone. Son unique morceau préféré. Une musique triste et gaie à l’image de cette histoire racontée à deux voix. Le père, second narrateur, est tombée amoureux fou de cette femme experte en folie (avec et sans S) et qui le lui rend bien. Il en arrête de vendre des garages et le jour où les finances se faisant difficiles il lui propose de se remettre à travailler, on la sent à deux doigts de dérailler. « Je ne peux pas passer mes journées à vous attendre, je ne peux pas vivre sans vous ! Votre place est avec nous deux (…) D’ailleurs je me demande bien comment font les autres pour vivre sans vous, chuchota-t-elle, la voix brisée en sanglot, passant d’une colère lourde, à une tristesse sourde en quelques syllabes seulement ».
Inutile d’en dire plus, ce premier livre de Olivier Bourdeaut reçoit l’accueil qu’il mérite. Il se lit vite et donne envie du prochain. Déjà très remarqué, il poursuit son petit bonhomme de chemin, aidé par des Prix et des enthousiasmes. (édition Finitude)
Dans notre atelier d’écriture en ligne, nous travaillons le conte. Nul doute que celui-ci est un bon sujet d’étude. Ce livre fait partie des 68 Premières fois, deuxième édition de cette formidable idée de Charlotte Milandri. La mission : lire les premiers romans.
Merci à Séverine Laus-Toni pour cette photo fort à propos !